Éloge de la gourmandise
Le week-end de Pâques, c’est une sorte de Noël bis. Quelques jours de folie pendant lesquels on a tendance à enchainer les repas copieux et à plonger la main dans le paquet de chocolats sans compter. Et plutôt que de vous expliquer comment faire en sorte de bien digérer l’agneau de grand-mère nageant dans une sauce nappante mais très (trop ?) riche en gras, j’ai choisi de vous faire un éloge de la gourmandise, la vraie.
Un vilain défaut ?
Depuis tout petits, nous apprenons à considérer la gourmandise comme un vilain défaut. Les petites envies de sucre sont fustigées. Se resservir est mal vu. Reprendre un bout de pain pour finir son morceau de fromage, une goutte de vin en plus pour accompagner le tout, s’apercevoir qu’on n’a plus de fromage pour terminer le pain et trancher à nouveau le comté ne serait rien de plus qu’une faiblesse intellectuelle.
Et si on se lâchait un peu la grappe ? Et si la gourmandise n’était en réalité qu’un élan de vie ? Avoir envie de quelque chose, en avoir tant envie qu’on a du mal à se réfréner, c’est le signe que notre corps, notre tête, notre être tout entier ont envie de se nourrir, de se faire plaisir. C’est le signe que derrière les raisonnements sages et scientifiques des “ne mange pas trop sucré, tu vas devenir diabétique”, notre nature profonde, notre instinct animal est plus fort que tout et n’oeuvre que dans un seul et unique objectif : notre survie.
Car oui, la gourmandise est scientifiquement expliquée depuis très longtemps. Le gène de la “goinfrerie” a vocation à palier les éventuelles phases de jeûne imposées par un environnement hostile et dépourvu de nourriture. Lutter contre ces élans de gourmandise, c’est lutter contre des millénaires d’évolution qui nous ont fabriqués pour qu’on bouffe ce chamallow quand on en a l’opportunité parce que, qui sait de quoi demain sera fait ?
En modération
Attention, je ne suis pas en train de faire l’apologie de la boulimie. Je dis simplement qu’il faut distinguer la pure gourmandise, celle qui nous fait manger quelques chocolats au lieu d’un, du trouble alimentaire qui doit être traité comme tel. Céder à la tentation par moments, notamment lors des rassemblements familiaux, est naturel. Les ravages de la frustration, des régimes hypocaloriques et des restrictions sont nombreux. Le cerveau humain ne supporte que très mal une contrainte sur le long terme. Les effets négatifs peuvent être plus que contreproductifs.
L’apologie du moins, de la maigreur et des restrictions respecte le sens de l’Histoire. Lorsque la cour de France a découvert le sucre et le chocolat, ils étaient rares. Ils s’en sont délectés jusqu’à en faire exploser leurs foies et les coutures de leurs vêtements de soie. Être gras et bien portant était alors vu comme un signe d’extrême richesse. Les hommes et les femmes se paraient fièrement de leurs courbes comme de leurs bijoux, signes extérieurs visibles de leur richesse.
Aujourd’hui, nous vivons dans une société d’abondance alimentaire. Le sucre n’a jamais été aussi répandu. Nous pouvons y avoir accès à des tarifs qui dépassent l’entendement. S’en passer et être dépourvu de gras devient alors le nouvel attribut de richesse car, dans une société où rien ne manque, le luxe, c’est à présent de savoir se restreindre.
La vitamine P
À force d’être bombardés de messages nous expliquant ce que nous devons manger pour ne pas manquer de vitamine D, de magnésium, de sélénium, de calcium et j’en passe, nous en oublions parfois de réfléchir à ce que nous aimons manger. Équilibrer son alimentation, c’est aussi intégrer de temps en temps un peu de vitamine P, la vitamine du Plaisir.
Ce week-end, profitez d’une petite dose de gourmandise sans culpabiliser. Parce que sans gourmandise, la vie serait bien triste, non ?